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Générique X-Files : addendum

Cet addendum sur le générique de la série X-Files complète l'article l'article principal que vous pouvez consulter en cliquant ici.

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Preuve que le générique de la série X-Files est vraiment riche de sens, j'ai ressenti le besoin d'ajouter quelques réflexions sur des points précis que je n'avais pas complètement cernés lors de la rédaction de l'article pour La Voix du Regard. Je les laisse à votre libre appréciation.

Le logogramme du premier plan et la dualité ombre/lumière

L'idée de commencer le générique par un logogramme ayant la puissance symbolique attachée à la lettre X est particulièrement astucieuse. Le mystère est très séduisant, rien de tel pour captiver d'emblée le public qui s'interroge : quelle est cette énigme ?
d9bfcacc5e496b2680fccb6fdb60216d.jpgLe premier plan du générique souligne de manière presque triviale une dualité souvent mise en scène dans les oeuvres de fiction audiovisuelles : le positif, la vérité, voire le ou les héros, sont associés à la lumière tandis que le négatif, le mystère, le mensonge, les ennemis appartiennent au monde de l'ombre, à l'obscurité. Dans ce plan, mais surtout dans tout le générique, se succèdent des images élaborées sur le principe de l'opposition blanc/noir, lumière/obscurité. Le «X», dont l'aspect «effacé» indique l'ancienneté des services des affaires non classées, semble comme comprimé entre deux faisceaux noirs menaçants.

L'infiniment grand et l'infiniment petit

4611f08ce871810a8f7568dcfea13f16.jpgTrois plans nous montrent tout à tour :
- une sphère de laboratoire émettant des éclairs de lumière, 

- un visage littéralement déformé par l'angoisse ou la douleur, 

- des oeufs qui s'ouvrent en symétrie dans un milieu opaque gluant.

Cet enchaînement peut s'analyser comme une descente impressionnante du plus grand vers le plus petit, un concept cher (mais dans le sens contraire) à Blaise Pascal, terrifié à son époque par le silence des espaces glacés et infinis. En effet, la sphère pourrait être assimilée à une étoile, et donc par extension, à l'Univers tout entier ; le visage déformé, qui évoque au passage le fameux tableau Le Cri d'Edvard Munch, représente l'homme, terrifié, voire «possédé» par l'Inconnu. 79ad2db6c60488a2bc4e42e2009ec99d.jpgQuant aux oeufs, ils symbolisent le monde cellulaire, mal connu et porteur des pires inquiétudes.
Bref, l'espace, l'humain, le cellulaire ou, dans le cas spécifique des X-Files, les extra-terrestres, la possession, la génétique. Avec cette idée permanente et sous-jacente que la Vérité est en nous, au plus profond de nos êtres et qu'il ne sert à rien, comme l'homme du plan 2 de regarder le ciel vers un hypothétique Ailleurs.

7726168f9b3dbe79b28486a09b35e9fd.jpgA propos de ce plan 2, dit de «l'homme et de la soucoupe», notons le contraste très fort entre la soucoupe, centrée dans le cadre, lumineuse, et l'homme décadré, présenté de dos, seul. L'homme semble écrasé par la révélation, sa silhouette s'estompe, comme rejetée hors champ : manifestement, devant les secrets de la Nature, l'homme ne fait pas le poids !

La Vérité ne se laisse pas facilement apprivoiser...

Dans les brefs plans suivants, l'image ne cesse de se resserrer tandis que l'être humain est d'abord décadré, puis amputé (on ne voit plus de lui que son bras) pour n'être carrément plus là ensuite. L'homme (Mulder par extrapolation) s'efface en quelque sorte devant sa quête, au profit de la vérité qui augmente proportionnellement. Il y a là une préfiguration du leitmotiv «La vérité est ailleurs» dans cette image d'OVNI qui attire tous les regards, même celui de la caméra...

L'enchaînement saccadé des plans, qui a déjà été utilisé par de nombreux réalisateurs (Ridley Scott, Oliver Stone entre autres) a pour but de focaliser l'intérêt du spectateur sur l'image et à l'obliger à se concentrer pour la percevoir. La brutalité de la séquence est cependant atténuée par un léger travelling avant. On retrouve là une technique chère aux informations télévisées : plus le cadre tremble, plus l'image fait «amateur», plus on est captivé et plus on croit à son authenticité.
L'image se fige en définitive mais dans un splendide flou artistique, ce qui fait que le spectateur n'est pas plus avancé... Une belle idée de réalisation pour faire passer l'idée qu'à vouloir trop s'approcher de la vérité, on finit par ne plus rien voir du tout !

Le détail qui tue...

Dans le coin droit du plan montrant l'insigne de Fox Mulder, on distingue un cendrier. Etrange lorsqu'on sait que notre héros n'est pas un adepte de la cigarette. Par contre, le cendrier évoque immédiatement un personnage récurrent, à savoir L'Homme à la Cigarette (Cancer Man, dans la version originale). Est-ce à dire que dès les premiers épisodes de la série, son créateur Chris Carter avait déjà en tête d'associer Mulder à cet homme dont tout porte à croire qu'il pourrait être son père?...

Le fantôme

D'un fondu enchaîné, on passe du visage de Fox Mulder à celui d'un fantôme qui progresse vers la caméra. Cette association n'est pas gratuite; c'est qu'il y a un fantôme derrière notre héros. Reste à savoir de qui il s'agit : l'Homme à la Cigarette ? La soeur disparue de Fox Mulder? Ou bien juste lui-même ?

Au doigt et à l'oeil

ceaf20ce15654afc1c006f9e337c4043.jpgDans le plan de la main «radiographiée», la phalange de couleur différente constitue peut-être un clin d'oeil à une série célèbre des années 60, Les Envahisseurs, où un certain David Vincent s'escrimait déjà à convaincre ses pairs qu'«ils sont parmi nous»....

The director's cut

Le passage des fondus enchaînés au plan de l'oeil ouvert s'opère par un cut brutal. Cette figure de style cinématographique est de la première importance. Lorsqu'une série de plans brefs, reliés entre eux par un montage fluide, est brutalement interrompue par une coupe franche, l'image qui suit immédiatement est souvent chargée de sens. On se remémorera la séquence d'ouverture de Citizen Kane et l'audition du fameux «Rosebud», ou bien l'introduction du film Duel de Steven Spielberg, où le premier cut marque l'arrivée à l'image du véhicule du personnage principal.

Pourquoi ce plan est-il si important ? D'abord parce qu'il fait appel à la Symbolique en suggérant que l'oeil est symbole de la Vérité et que cette Vérité, c'est avant tout... le réalisateur qui la détient ! (Wenders ne disait pas autre chose dans l'introduction des Ailes du Désir). Ensuite, parce que sa séparation des images précédentes par un «cut» donne à penser qu'il y a un fossé infranchissable entre l'enquête de nos deux agents et la Vérité. Autrement dit, une variante visuelle du leitmotiv de la série «La Vérité est ailleurs».

La vérité, un jour ?

Que conclure d'autre du plan de fin, sinon que le défilement en accéléré de l'image ne suggère rien de bon. Le téléspectateur va devoir prendre son mal en patience avant de recevoir quelques bribes de vérité ! Ce plan procure aussi un léger sentiment d'abandon, comme lorsqu'on contemple un paysage désert, les hommes (et les extra-terrestres ?) sont partis, demeure la nature, éternelle et immuable.

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