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analyse

  • X-Files : la vérité est dans le générique

    ceea0e983eb2981e68a76ca4a07d1292.jpgLe texte ci-dessous a été publié en mars 1998 dans la revue La Voix du Regard, n° 11. Quelques mois plus  tard, j'ai rédigé un addendum que vous pouvez lire ici.

    «De même que la lumière se montre soi-même et montre avec soi les ténèbres, ainsi la vérité est à elle-même son  critérium et elle est aussi celui de l'erreur» (Spinoza)

    Aristote avait raison : en affirmant que toute oeuvre dramatique est comme un «tout» ayant «un commencement, un milieu et une fin» (1), il énonçait la segmentation ternaire du récit et préfigurait les théories contemporaines qui ont enrichi sa définition. C'est le cas de l'Américain Syd Field qui introduit, entre autres choses, le concept d'exposition dans l'oeuvre dramatique (2). Il s'agit du premier temps du récit, les premières images d'un fiction à partir d'un point d'attaque déterminé arbitrairement par un auteur. Corneille donnait à l'exposition le nom de «protase» en précisant qu'elle «doit contenir les semences de tout ce qui doit arriver, tant pour l'action principale que pour les épisodiques (secondaires)» (3).


    Dans les films de cinéma, le scénariste et/ou le réalisateur ont toute latitude pour développer l'exposition de leur choix: le spectateur ne connait ni les personnages, ni l'intrigue et apprécie d'être peu à peu immergé dans un univers inconnu. Dans les séries télévisées, en revanche, le processus itératif propre au genre conduit les auteurs à aborder l'exposition de manière duale: à un prégénérique qui a pour but premier de lancer l'action en y ajoutant une dimension spectaculaire, succède le générique proprement dit qui est investi d'un rôle supérieur à celui d'un film de cinéma ou d'un téléfilm.

    En effet, en quelques plans soigneusement montés, il s'agit rien moins que d'informer ou de rappeler au téléspectateur les visages des principaux protagonistes et les thèmes principaux de la série.
Les bons génériques de séries télévisées sont donc ceux qui en disent le plus en le moins de temps possible. La séquence d'ouverture de la plus populaire des séries, X-Files, Aux Frontières du Réel, est un modèle du genre. Récompensée par l'Emmy du meilleur générique en 1994, elle dévoile, sous le feu de l'analyse filmique, les fondements d'un authentique phénomène de société.

    Visionnez le générique complet de X-Files

    Long d'une quarantaine de secondes, le générique des X-Files comporte 27 plans dont la musique lancinante de Mark Snow scande le défilement. La durée de ces plans ainsi que leur enchaînement sont très hétérogènes. Certains s'étendent sur quelques secondes, d'autres frôlent le subliminal. Par ailleurs, fondus, fondus enchaînés et cuts classiques se succèdent selon une logique a priori inexistante. Perplexe, le spectateur inattentif regarde une suite d'images pour la plupart indéchiffrables. Mais que voit-il exactement ?

    f5a1e819ccde96f96b5517763cd7c019.jpgLe premier plan (plan 1) dévoile le titre de la série The X-Files en noir sur fond gris. Une lueur blanche éclaire depuis le bas de l'écran la lettre X agrandie. L'orientation de cette source lumineuse, associée au gris militaire, évoque aussi bien les projecteurs d'une batterie anti-aérienne («la menace est réelle, nous vous tenons un discours sérieux») que les spots d'un studio de cinéma («vous êtes devant un spectacle, donc tout va bien...»). 
Mais c'est la lettre X qui retient toute l'attention du spectateur : l'inconscient l'associe immédiatement au tabou, à l'interdit, à la limite à ne pas franchir.

    Mais pourquoi ne pas y voir aussi le symbole du carrefour, du point de non-retour, là où tout bascule entre le réel, identifié et rassurant, et le surnaturel, sombre et menaçant ? Les amateurs de graphisme auront noté au passage qu'il manque au X la partie supérieure gauche, comme pour indiquer qu'un petit espace viendra toujours s'intercaler entre ceux qui cherchent la vérité (les agents Mulder et Scully et... les téléspectateurs) et la vérité elle-même.

    2388db4f690f75114fec89df20c6d193.jpgSuit une série de plans très rapides (plans 2 à 9) montrant sous différents angles un objet volant non identifié. Le défilement, tel un diaporama que l'on accélère, s'achève sur un plan rapproché et flou de l'objet qui demeure obstinément mystérieux. A vitesse réelle, on croit passer du plan 1 au plan 3 directement, mais en réalité, s'insère un plan extrêmement bref que révèle seulement l'arrêt sur image.

    Ce plan 2 montre dans le coin inférieur gauche, une petite silhouette noire qui désigne du doigt dans un ciel bleu sombre une forme sphérique incongrue. Celle-ci fait penser à un nuage, mais figure dans le coin inférieur droit de l'écran un petit texte dont seuls les premiers mots sont lisibles: «Interprétation Photo du FBI». S'il s'agissait seulement d'un nuage dans le ciel, pourquoi le FBI aurait-il eu besoin de le photographier? Déjà se dessinent les prémisses d'un thème majeur de la série: la Conspiration, le mystère que l'on cherche à garder caché par tous les moyens.

    Les plans 10 à 13 défilent rapidement et forment autant d'images énigmatiques que le spectateur ne parvient à décrypter. Les spectateurs assidus auront d'ailleurs remarqué que ces scènes n'apparaissent dans aucun épisode, ce qui confirme leur valeur de symboles.

    aa8fdc8ec77e128e0994baa7b12bcbe0.jpgQue signifie cette main noire qui se déplace au dessus d'une surface noire couverte de symboles ésotériques? Les fondus enchaînés se succèdent, au rythme d'un seul et unique zoom avant: à mesure que l'on progresse, le mystère s'épaissit. Il y a là un paradoxe : un générique ne se doit-il pas d'être, avant tout, explicite ?
L'image de la boule à électricité statique (plan 11) agit comme une réminiscence. A toute mémoire endormie, elle ne peut qu'évoquer ces expériences fascinantes de physique à l'école et, par association d'idées, elle symbolise ici le poids de la science (qu'incarne l'agent Dana Scully) par opposition aux territoires inconnus suggérés par le paranormal.


    Mais si la science a son mot à dire pour expliquer certains phénomènes, il demeure des pans entiers d'univers à explorer, des mondes effrayants (le visage bleuâtre et hurlant du plan 12) et dématérialisés, à l'image des «ectoplasmes» du plan 13 qui sont la manifestation tangible d'une activite parapsychologique dont la composition est organique.

    f44469f1e853befcee5b81c4a58aced1.jpgCe n'est qu'au plan 14, une fois le décor planté, qu'apparaissent les protagonistes de la série. Ce plan est admirablement composé. Dans un léger zoom avant, nous découvrons le visage de l'agent spécial Fox Mulder, du moins sa photographie sur sa carte du FBI (partie supérieure gauche), son badge (bord inférieur) et une paire de menottes (droite du cadre). La figure masculine est donc réduite à ses attributs professionnels, à sa pure fonction. L'image ne nous apprend rien de sa personnalité ou de sa vie privée, il en sera de même au cours des épisodes où les informations sur le personnage seront soigneusement distillées au téléspectateur.


    Sa partenaire, Dana Scully, fait l'objet d'un traitement similaire au plan 16, mais la composition du cadre est différente : le cadre est plus serré, on distingue moins d'accessoires (seulement une partie de son badge) et sa photo est située dans la partie droite de l'image. Ces subtiles variations conduisent de manière inconsciente le spectateur à s'interroger sur le statut de ce personnage: ami ou ennemi ? Quel camp défend Dana Scully ? Celui de Fox Mulder ou bien est-elle téléguidée par d'obscurs pouvoirs?

    Ce n'est sans doute pas un hasard si, entre les plans 14 et 16, s'intercale un plan grisâtre, nébuleux (plan 15) d'où émergent une ombre spectrale et un texte tronqué: «Government denies knowledge...» (Le gouvernement nie avoir connaissance...). Astucieuse idée d'associer en une même image un symbole (le fantôme que, par essence, on ne peut toucher) et un concept (l'Etat) pour en dénoncer la toute-puissance et l'immunité. La série décline sur différents modes le thème de la divulgation de connaissances «sensibles» dans une démocratie.
On sait la méfiance latente, sinon l'aversion d'une partie des Américains pour leurs institutions fédérales. Mais comment ne pas songer également, devant cette vision, aux mots terribles de Nietszche : «L'État, c'est le plus froid de tous les monstres froids. Et il ment froidement ; ce mensonge glisse de sa bouche: "Moi l'État, je suis le peuple».

    Face aux menaces de cette hydre aux têtes invisibles, les deux agents n'auront d'autre choix que de s'unir et d'agir de concert. Car, malgré leurs différences originelles et leurs méthodes radicalement différentes, ils sont animés d'un même absolu: découvrir la Vérité. L'observateur attentif aura d'ailleurs noté un détail stupéfiant: sur leurs cartes de service, les signatures des deux agents sont rédigés de la même écriture !

    8575bef602bb5c78b9de6aa5e1eeaa47.jpgLes plans 17 à 24 donnent un aperçu des scènes d'action en duo. L'enchaînement des plans est construit de manière identique à la série de plans 2 à 9 (même rythme, même nombre de plans). On distingue une porte entr'ouverte et le faisceau d'une lampe torche dans l'obscurité (plan 17), puis la porte grande ouverte, une silhouette et deux faisceaux de lampe (plan 18), ensuite la fusion des deux faisceaux en un halo (plan 19) puis deux silhouettes et deux lumières distinctes (plan 20).

    En quatre plans, tout est dit : les deux agents agiront ensemble si possible, mais leurs investigations les éloigneront souvent l'un de l'autre. L'homme reçoit la mission d'agir, d'enquêter tandis que la femme réfléchit et suggère des explications : dans le plan 21, c'est Fox Mulder qui brandit le revolver et Dana Scully la lampe torche. Attardons-nous un instant sur l'atmosphère glauque, humide, sur le ballet de lumière orchestré par les lampes torches, aussi récurrentes dans les épisodes de la série que l'usage du téléphone cellulaire.

    a2d2d4f3e9decd75f1cf449d81191049.jpgDu plan 22 au plan 24, les deux personnages semblent figés, la caméra opère autour d'eux un mouvement saccadé en zoom avant avec raccord dans l'axe puis l'image se dissout dans un «fondu au blanc» qui s'efface devant un plan riche de sens (plan 24): une silhouette luminescente tombe dans un puits sans fond avec, en surimpression, une main bleutée, avec un doigt de couleur rouge. Le contraste zoom arrière (corps) - zoom avant (main) accentue la distorsion et renforce la cinétique de la scène (4). Les deux images évoquent respectivement les expériences aux frontières de la mort et ces fameuses photographies destinées à prouver l'existence d'une aura psychique (sous le nom d'«effet Kirlian»).


    Là encore, le message est clair : est-il besoin de contempler les étoiles, de lever les yeux (comme la silhouette du plan 2) pour découvrir la véritable nature de l'homme? Le secret ne réside-t-il pas dans un examen à effectuer sur nous-mêmes? Notre quête spirituelle ne consisterait-t-elle pas, après tout, à plonger en soi, à sonder notre coeur au risque de chuter et de perdre notre âme ?

    8be3406be1fc5b7f20c1b590845a75bd.jpgUn fondu enchaîné rend indissociables les ultimes plans (plans 26 et 27). A l'image d'un oeil, en très gros plan, succède celle, filmée en accéléré, d'un paysage désertique sur fond de ciel orageux, alors que s'inscrit dans un coin de l'écran la désormais fameuse formule «La Vérité est ailleurs» qui s'évanouit invariablement dans un fondu au noir.
    Avant de revenir sur l'image, notons déjà que la version française de la série dénature quelque peu l'original sur deux points.
D'abord, parce que cette formule n'est pas systématique dans tous les épisodes : les spectateurs américains ont pu lire d'autres expressions au cours des saisons (5).

    Ensuite parce qu'il faut bien reconnaitre, et c'est peut-être là la clé de l'énigme, que la traduction n'est qu'approximative. «The truth is out there» ne signifie pas vraiment que la vérité est ailleurs, dans un lieu inaccessible mais qu'elle est là, dehors, pas très loin, peut-être à portée de la main ! Et qu'il ne tient qu'à nous, finalement, pour qu'elle soit révélée aux yeux du monde (6).

    13c5fe12e1e430a42dc72150bf44ec8a.jpgL'image de l'oeil qui précède celle du désert orageux est donc loin d'être innocente. Le nom de Chris Carter, le producteur, apparait au bas de l'écran, tandis que l'oeil s'ouvre. On connait le rôle fondamental joué par ce producteur-réalisateur dans l'élaboration et l'évolution de la série d'une année à l'autre. Auteur de plus d'un tiers des scénarios, il supervise absolument tout. Le plan 26 du générique ne fait que traduire la toute-puissance du créateur, du cinéaste démiurge (dictatorial?) qui conçoit et impose un monde fictif cohérent pour, dans le même temps, donner à voir, à révéler, à ses spectateurs une vérité cachée. Une vérité que chacun fait sienne selon ses propres convictions car, comme l'écrivait Descartes, «il nous est toujours libre de nous empêcher d'admettre une vérité évidente».

    © Jean-Michel OULLION, 1998


    (1) Aristote, Poétique, Paris, Le Seuil, 1980.
    (2) Syd Field, Screensplay, The Foundations of Screenswriting, Dell Publishing, New York, 1984.
    (3) Jacques Scherer, La dramaturgie classique en France, A.G. Nizet, Paris, 1986.
    (4) Un procédé analogue fut employé par Hitchcock pour les scènes de vertige dans Sueurs Froides.
    (5) Les passionnés savent que l'épisode intitulé The Erlenmeyer Flask était précédé de la non moins célèbre mention «Trust No One», que l'épisode Ascension mettait en valeur la formule «Deny Everything», 731, la phrase «Apology Is Policy», que Herrenvolk était préfacé par «Everything Dies», etc. La formule d'introduction la plus originale est sans aucun doute celle de l'épisode Anasazi : «Ei Aaniigoo 'Ahoot'e», c'est-à-dire La Vérité est ailleurs... en navajo !
    (6) Dana Scully prononce pour la première fois cette phrase dans l'épisode intitulé Entité Biologique Extraterrestre tout en ajoutant «Mais les mensonges aussi.».

  • Générique X-Files : addendum

    Cet addendum sur le générique de la série X-Files complète l'article l'article principal que vous pouvez consulter en cliquant ici.

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    Preuve que le générique de la série X-Files est vraiment riche de sens, j'ai ressenti le besoin d'ajouter quelques réflexions sur des points précis que je n'avais pas complètement cernés lors de la rédaction de l'article pour La Voix du Regard. Je les laisse à votre libre appréciation.

    Le logogramme du premier plan et la dualité ombre/lumière

    L'idée de commencer le générique par un logogramme ayant la puissance symbolique attachée à la lettre X est particulièrement astucieuse. Le mystère est très séduisant, rien de tel pour captiver d'emblée le public qui s'interroge : quelle est cette énigme ?
    d9bfcacc5e496b2680fccb6fdb60216d.jpgLe premier plan du générique souligne de manière presque triviale une dualité souvent mise en scène dans les oeuvres de fiction audiovisuelles : le positif, la vérité, voire le ou les héros, sont associés à la lumière tandis que le négatif, le mystère, le mensonge, les ennemis appartiennent au monde de l'ombre, à l'obscurité. Dans ce plan, mais surtout dans tout le générique, se succèdent des images élaborées sur le principe de l'opposition blanc/noir, lumière/obscurité. Le «X», dont l'aspect «effacé» indique l'ancienneté des services des affaires non classées, semble comme comprimé entre deux faisceaux noirs menaçants.

    L'infiniment grand et l'infiniment petit

    4611f08ce871810a8f7568dcfea13f16.jpgTrois plans nous montrent tout à tour :
    - une sphère de laboratoire émettant des éclairs de lumière, 

    - un visage littéralement déformé par l'angoisse ou la douleur, 

    - des oeufs qui s'ouvrent en symétrie dans un milieu opaque gluant.

    Cet enchaînement peut s'analyser comme une descente impressionnante du plus grand vers le plus petit, un concept cher (mais dans le sens contraire) à Blaise Pascal, terrifié à son époque par le silence des espaces glacés et infinis. En effet, la sphère pourrait être assimilée à une étoile, et donc par extension, à l'Univers tout entier ; le visage déformé, qui évoque au passage le fameux tableau Le Cri d'Edvard Munch, représente l'homme, terrifié, voire «possédé» par l'Inconnu. 79ad2db6c60488a2bc4e42e2009ec99d.jpgQuant aux oeufs, ils symbolisent le monde cellulaire, mal connu et porteur des pires inquiétudes.
Bref, l'espace, l'humain, le cellulaire ou, dans le cas spécifique des X-Files, les extra-terrestres, la possession, la génétique. Avec cette idée permanente et sous-jacente que la Vérité est en nous, au plus profond de nos êtres et qu'il ne sert à rien, comme l'homme du plan 2 de regarder le ciel vers un hypothétique Ailleurs.

    7726168f9b3dbe79b28486a09b35e9fd.jpgA propos de ce plan 2, dit de «l'homme et de la soucoupe», notons le contraste très fort entre la soucoupe, centrée dans le cadre, lumineuse, et l'homme décadré, présenté de dos, seul. L'homme semble écrasé par la révélation, sa silhouette s'estompe, comme rejetée hors champ : manifestement, devant les secrets de la Nature, l'homme ne fait pas le poids !

    La Vérité ne se laisse pas facilement apprivoiser...

    Dans les brefs plans suivants, l'image ne cesse de se resserrer tandis que l'être humain est d'abord décadré, puis amputé (on ne voit plus de lui que son bras) pour n'être carrément plus là ensuite. L'homme (Mulder par extrapolation) s'efface en quelque sorte devant sa quête, au profit de la vérité qui augmente proportionnellement. Il y a là une préfiguration du leitmotiv «La vérité est ailleurs» dans cette image d'OVNI qui attire tous les regards, même celui de la caméra...

    L'enchaînement saccadé des plans, qui a déjà été utilisé par de nombreux réalisateurs (Ridley Scott, Oliver Stone entre autres) a pour but de focaliser l'intérêt du spectateur sur l'image et à l'obliger à se concentrer pour la percevoir. La brutalité de la séquence est cependant atténuée par un léger travelling avant. On retrouve là une technique chère aux informations télévisées : plus le cadre tremble, plus l'image fait «amateur», plus on est captivé et plus on croit à son authenticité.
L'image se fige en définitive mais dans un splendide flou artistique, ce qui fait que le spectateur n'est pas plus avancé... Une belle idée de réalisation pour faire passer l'idée qu'à vouloir trop s'approcher de la vérité, on finit par ne plus rien voir du tout !

    Le détail qui tue...

    Dans le coin droit du plan montrant l'insigne de Fox Mulder, on distingue un cendrier. Etrange lorsqu'on sait que notre héros n'est pas un adepte de la cigarette. Par contre, le cendrier évoque immédiatement un personnage récurrent, à savoir L'Homme à la Cigarette (Cancer Man, dans la version originale). Est-ce à dire que dès les premiers épisodes de la série, son créateur Chris Carter avait déjà en tête d'associer Mulder à cet homme dont tout porte à croire qu'il pourrait être son père?...

    Le fantôme

    D'un fondu enchaîné, on passe du visage de Fox Mulder à celui d'un fantôme qui progresse vers la caméra. Cette association n'est pas gratuite; c'est qu'il y a un fantôme derrière notre héros. Reste à savoir de qui il s'agit : l'Homme à la Cigarette ? La soeur disparue de Fox Mulder? Ou bien juste lui-même ?

    Au doigt et à l'oeil

    ceaf20ce15654afc1c006f9e337c4043.jpgDans le plan de la main «radiographiée», la phalange de couleur différente constitue peut-être un clin d'oeil à une série célèbre des années 60, Les Envahisseurs, où un certain David Vincent s'escrimait déjà à convaincre ses pairs qu'«ils sont parmi nous»....

    The director's cut

    Le passage des fondus enchaînés au plan de l'oeil ouvert s'opère par un cut brutal. Cette figure de style cinématographique est de la première importance. Lorsqu'une série de plans brefs, reliés entre eux par un montage fluide, est brutalement interrompue par une coupe franche, l'image qui suit immédiatement est souvent chargée de sens. On se remémorera la séquence d'ouverture de Citizen Kane et l'audition du fameux «Rosebud», ou bien l'introduction du film Duel de Steven Spielberg, où le premier cut marque l'arrivée à l'image du véhicule du personnage principal.

    Pourquoi ce plan est-il si important ? D'abord parce qu'il fait appel à la Symbolique en suggérant que l'oeil est symbole de la Vérité et que cette Vérité, c'est avant tout... le réalisateur qui la détient ! (Wenders ne disait pas autre chose dans l'introduction des Ailes du Désir). Ensuite, parce que sa séparation des images précédentes par un «cut» donne à penser qu'il y a un fossé infranchissable entre l'enquête de nos deux agents et la Vérité. Autrement dit, une variante visuelle du leitmotiv de la série «La Vérité est ailleurs».

    La vérité, un jour ?

    Que conclure d'autre du plan de fin, sinon que le défilement en accéléré de l'image ne suggère rien de bon. Le téléspectateur va devoir prendre son mal en patience avant de recevoir quelques bribes de vérité ! Ce plan procure aussi un léger sentiment d'abandon, comme lorsqu'on contemple un paysage désert, les hommes (et les extra-terrestres ?) sont partis, demeure la nature, éternelle et immuable.